Living Room

Éric Antoine

1974 -

Éric Antoine

Né en 1974, Éric Antoine est un photographe autodidacte français. Depuis plus de 10 ans, il se consacre au processus ancien du collodion, plaçant la tangibilité des images au cœur même de sa quête. Dans une approche qui peut s’apparenter à la sculpture, Eric Antoine produit des photographies scintillantes et argentées qui sont également des objets. Sans la moindre trace de nostalgie, sa démarche est une discipline émancipatrice. En s’assurant de la maîtrise totale de son processus, le photographe opère une fusion idéale entre la forme et l’esprit, entre la recherche artistique et son histoire la plus intime.

 

Le travail de l’artiste est indissociable de sa vie, dans ses aspects les plus quotidiens comme dans ses quêtes essentielles. Eric Antoine questionne la fuite du temps, la mémoire, la cicatrisation des plaies et l’espérance, discrète et immuable. Symboles et allégories dessinent la géographie de l’esprit du photographe. La sensation d’isolement, véritable fil conducteur de son œuvre, révèle le choix d’une vie au cœur de la nature, loin du fracas du monde. Cette solitude est aussi bienfaitrice qu’elle est fertile. Elle est une distanciation qui laisse à voir le monde et ses dérives avec clairvoyance. Tout en suggestion et subtilité, les œuvres de l’artiste dénoncent fermement la quête du sensationnel.

 

En conversation avec Eric Antoine

Qu’est-ce qui vous a attiré vers le procédé photographique du collodion humide plutôt que d’autres techniques ?

La finesse, les noirs et leurs profondeurs. Pour moi, le collodion est le procédé photographique le plus complet. On peut tout faire avec, créer à la fois quelque chose de très précis, de très net et parfait ou quelque chose d’un peu sale, se laisser aller, accepter les défauts, voir le sujet disparaître un peu.

Quels sont les symboles qui reviennent dans vos photographies ?

Je fais avec ce que j’ai. J’ai peu d’objets pour dire plein de choses. J’ai une obsession des objets transparents pour un simple aspect esthétique. Les pierres également reviennent tout le temps dans mon travail et représentent les soucis. Les couches de papier représentent souvent des souvenirs, entassées les uns sur les autres. La balle noire, le Mal, le sable l’écoulement du temps… Mes images ne sont pas trop frontales, je n’aime pas tout montrer, j’aime symboliser.

Et les oliviers… d’où vous vient cette attirance ?

Les oliviers c’est un peu le moment de l’année où je ne réfléchis plus à rien. J’aime bien m’immerger dans mon champ d’oliviers et y rester longtemps avec eux, les photographier le matin, dormir sur place, passer du temps…

Que représente la boule blanche présente dans nombreux de vos travaux ? 

Petit à petit est apparue cette boule blanche qui s’opposait à la petite boule noire, souvent présente dans mes natures mortes et qui représente le Mal. La boule blanche est devenue le symbole de l’optimisme. De façon un peu cynique, je dirais que c’est un optimisme inventé, cet optimisme qu’on a par exemple le matin en sortant de chez soi quand on se dit que tout va bien, qu’on va aller mieux. C’est de là où le titre des Mensonges Utiles (Useful Lies) est tiré.

Votre travail est-il autobiographique ?

J’ai une photographie très personnelle, répétitive et thérapeutique et très égoïste puisque j’ai l’impression de la faire que pour moi. J’ai un côté un petit peu obsessionnel qui relève de l’ordre du rituel. Je peux travailler pendant des années sur une série, parfois jusqu’à refaire la même photo une vingtaine de fois... Pour ma première série par exemple, j’ai passé cinq ans au même endroit et toutes les photos ont été prises dans un périmètre de 100 mètres.